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Quelles sont les difficultés propres à la conduite d’une Due Diligence en Chine ?

Réaliser l’audit juridique et fiscal d’une société en Chine (« Due Diligence ») est un exercice particulièrement délicat. L’ensemble des observateurs s’accorde ainsi à reconnaitre que la conduite d’une Due Diligence en Chine diffère à bien des égards des pratiques habituelles rencontrées en Europe, principalement à raison des facteurs suivants:

  • L’essor récent des opérations d’acquisition ;
  • La « culture du chef…ou l’absence du chef » ; et
  • Le manque de transparence.

 

Que faut-il entendre par l’essor récent des opérations d’acquisition ?

Les opérations d’acquisitions sont un phénomène relativement nouveau en Chine puisque les premières d’entre elles ne remontent guère à plus d’une vingtaine d’années.

Dans ce contexte, encore aujourd’hui, la plupart des sociétés chinoises ne maîtrisent pas les clés permettant de conduire une Due Diligence de manière professionnelle. Par ailleurs, malgré ce déficit de compétences, une large majorité des sociétés chinoises n’a pas acquis le réflexe de se faire assister par des conseils externes. Ainsi, il n’est pas rare de voir une Due Diligence, voire l’ensemble d’une transaction, menée intégralement en interne, par des personnes ayant peu ou aucune expérience en la matière.

 

Que faut-il entendre par la « culture du chef ...ou l’absence du chef » ?

Une très large partie du tissu économique chinois est constitué d’entreprises privées toujours dirigées par leur fondateur. Souvent partis de rien, ces derniers sont très fiers de la réussite de leur entreprise, s’identifient totalement à elle et, finalement, la considèrent comme leur propre bien.

En pratique, cette présence du fondateur dans l’entreprise conduit à une très forte culture du chef (« 老板 – laoban » en chinois) et à une confusion plus ou moins importante de ses intérêts avec celui de l’entreprise.

A l’évidence, ces caractéristiques particulières s’accordent assez mal avec la bonne conduite d’une Due Diligence.

Ainsi, les cadres de l’entreprise seront toujours réticents à communiquer avec un acquéreur potentiel sans l’aval préalable du fondateur. Au bout du compte, cela aboutit pour l’acquéreur à avoir le fondateur comme un interlocuteur unique, et ce quelle que soit l’importance du sujet. Or, tout naturellement, le fondateur sera réticent à communiquer des informations qui pourraient amener à interroger le bien fondé de ses décisions de gestion (ainsi, typiquement, l’embauche d’un proche à un poste clé sans que ce dernier ait les compétences requises, ou bien encore l’achat d’un bien par la société pour l’usage exclusif du fondateur).

Confronté à la culture du chef dans les entreprises privées, l’acquéreur potentiel d’une entreprise publique se heurtera à l’inverse à l’absence de chef. En effet, l’organisation managériale de ces sociétés conduit à une dilution forte des responsabilités. Sachant, de surcroît, que l’information circule peu dans les sociétés chinoises (cf. ci-dessous), trouver dans une société publique le bon interlocuteur ayant une vision transversale de l’activité devient vite un véritable casse-tête.

 

Que faut-il entendre par manque de transparence ?

Une importante culture du secret existe dans le fonctionnement des entreprises en Chine, certainement liée à la tradition chinoise selon laquelle celui qui détient l’information détient également le pouvoir.

Communiquer une information dans le cadre d’une Due Diligence est donc un exercice allant à l’encontre du mode de fonctionnement habituel de l’entreprise.

Cette culture du secret se traduit notamment par les multiples jeux de comptabilité (seuls les fondateurs sachant finalement ce que gagne l’entreprise) et l’importance des accords oraux dans des domaines où l’acquéreur potentiel s’attend à trouver des contrats écrits (en particulier avec les fournisseurs et les clients). Difficile dans ces conditions d’apprécier exactement les conditions dans lesquelles s’opère l’activité.

 

Est-il habituel de conclure un accord de confidentialité ?

A l’image de ce qui se pratique dans les autres juridictions, il est habituel en Chine que la communication d’informations pour les besoins de la Due Diligence soit subordonnée à la signature préalable d’un accord de confidentialité.

En revanche, et cette fois de manière propre à la Chine, il n’est pas rare que le vendeur exige une obligation réciproque de communication d’informations. Cette réciprocité vise à ce que l’acquéreur s’engage à communiquer, sous réserve de confidentialité, les mêmes informations que le vendeur, concernant son organisation, ses comptes, ses activités, ses clients, etc.

Si une telle pratique ne manque pas de surprendre (la communication d’informations se faisant habituellement à sens unique, dans la direction vendeur-acquéreur), elle peut s’expliquer par un souci culturel d’égalité et de réciprocité des obligations entre les parties à une transaction (*).

Lorsqu’une telle situation se présente, la meilleure stratégie pour l’acquéreur est bien souvent de ne pas refuser en bloc toute communication d’informations au vendeur mais d’en limiter l’étendue à certaines informations très précises.

Note: (*) Il est intéressant de mentionner la pratique en vigueur en Chine selon laquelle tous les contrats, quel que soit leur nature ou objet, commencent systématiquement par un préambule (pourtant non-obligatoire au regard de la réglementation applicable) aux termes duquel « the parties entered into this agreement on the basis of fairness and mutual benefit ». 

 

Quelles sont les précautions d’usage en matière de préparation de Liste de Due Diligence ?

Nombreux sont les acquéreurs qui réclament au vendeur une liste de documents et informations (« Liste de Due Diligence ») soit calquée sur un modèle étranger inadapté, soit formulée de la manière la plus large et générale possible (dans l’espoir de ne rien oublier…). Dans les deux cas, la Liste de Due Diligence ainsi communiquée n’aboutit qu’à une perte de temps.

A titre d’exemple, il est très courant de voir des Listes de Due Diligence priant le vendeur de bien vouloir transmettre « any and all constitutive documents of the target companies and any amendments thereto ». Et l’acheteur de s’étonner ensuite de recevoir, au mieux, les Business Licenses des sociétés en question…

Il est malheureusement illusoire d’imaginer pouvoir adresser au vendeur une liste de Due Diligence imprécise (parce qu’inadaptée ou trop générale) et espérer recevoir en retour l’ensemble des informations souhaitées. Cela supposerait en effet de la part du vendeur qu’il soit prêt à un effort de réflexion critique afin d’apprécier quels sont les documents dont l’acheteur a réellement besoin.

Au contraire, la pratique des opérations d’acquisition en Chine, et plus particulièrement des Due Diligences, révèle qu’il est dans la plupart des cas difficile pour l’acheteur de faire l’économie d’un travail didactique pour expliquer au vendeur les documents dont il a besoin pour mener à bien l’exercice de Due Diligence.

Il est donc important de préparer et transmettre au vendeur une Liste de Due Diligence énumérant très précisément les documents requis au regard des spécificités à la fois du droit chinois et de l’industrie dans laquelle la transaction est envisagée (*).

Note: (*) A titre d’exemple, dans le cadre d’une Due Diligence concernant une société dont l’activité requiert des licences/autorisations spécifiques, il est conseillé à l’acquéreur de se renseigner sur celles-ci et les viser expressément dans la Liste de Due Diligence, plutôt que simplement transmettre au vendeur une demande imprécise couvrant « any and all licenses/authorizations/permits required for the conduct of the business » 

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Les faux documents sont-ils monnaie courante dans les Due Diligences en Chine ?

La production de faux documents dans le cadre d’une Due Diligence n’est pas en soi une pratique courante.

Le vendeur réticent à communiquer une information aura en effet plutôt tendance à indiquer qu’il ne possède pas les documents s’y rattachant.

Toutefois, lorsque l’acquéreur exige de manière répétée la production d’un document, et si le vendeur comprend que le document en question est important aux yeux de l’acquéreur, alors le risque de production d’un faux document devient réel. Cela est d’autant plus vrai lorsque le vendeur ne possède tout simplement pas le document demandé.

Un bon exemple est le cas des résolutions du conseil d’administration ou de l’assemblée générale. Dans la mentalité d’un vendeur en Chine, ces résolutions sont souvent perçues comme sans importance dans la mesure où (i) les opérations importantes (augmentation de capital, changement d’actionnaire) sont de toutes manières soumises à enregistrement auprès des autorités compétentes, et (ii) il n’est pas courant de conserver une copie des documents déposés auprès de celles-ci. A l’inverse, dans une mentalité occidentale, ces documents sont essentiels pour reconstituer l’historique d’une société et il est difficile de comprendre que ceux-ci n’existent pas.

En pratique, les faux documents produits pour les besoins spécifiques d’une Due Diligence sont généralement assez grossiers.

Confronté à ce problème, il appartient alors à l’acheteur de faire preuve du discernement nécessaire afin d’apprécier la possibilité de continuer à coopérer avec le vendeur dans un climat de confiance.

Comment s’organise la constitution de la data room ?

Sauf rares exceptions, la constitution par le vendeur d’une data room – physique ou en ligne – n’est pas une pratique habituelle. Ainsi, les documents figurant sur la Liste de Due Diligence sont le plus souvent communiqués par le vendeur au fur et à mesure, soit en version papier, soit par courrier électronique. Il est donc essentiel pour l’acquéreur de mettre à jour régulièrement un registre afin d’éviter tout conflit ultérieur sur les documents transmis (nature du document, complet ou non, daté ou non, signé ou non).

 

Est-il possible d’avoir accès à certaines informations de manière indépendante ?

Que ce soit en raison de l’insuffisance des informations communiquées par le vendeur, ou de doutes quant à leur authenticité, il apparait parfois souhaitable – en cours de Due Diligence – de chercher à se procurer certains documents de manière indépendante.

La Chine étant un pays très administratif, les sociétés doivent au cours de leur vie sociale solliciter de multiples d’autorisations et enregistrements afin de pouvoir exercer leurs activités. Or, certains documents déposés à l’occasion de ces demandes d’autorisations et enregistrements sont accessibles auprès des autorités compétentes ou de bases de données privées. Il est donc possible de vérifier de manière indépendante un certain nombre d’informations, dont les suivantes:

  • Documents constitutifs: statuts, Business License et autres enregistrements de la société cible auprès des administrations chinoises (*), composition de l’actionnariat (dans certains cas), identité des membres du conseil d’administration et du superviseur, etc.
  • Capital social: Montant de capital social effectivement contribué par le ou les investisseurs.
  • Immobilier: vérification de la régularité de la procédure d’acquisition d’un terrain (dans certaines provinces uniquement), règlement du prix d’acquisition d’un terrain, titres de propriété du terrain et/ou de bâtiments, existence d’hypothèques, etc.

 Note:

(*) Bureau des taxes, du travail, des douanes, etc

 

Quelles est l’importance des « interviews » avec le management ?

En Chine, plus que dans d’autres juridictions, les rencontres et « interviews » avec le management de la société cible sont une source primordiale d’informations.

En effet, l’importance des accords oraux dans l’organisation de l’activité, à quoi s’ajoute le fait que les sociétés domestiques sont généralement peu organisées en matière d’archivage et conservation des documents, empêchent très souvent d’obtenir par écrit l’ensemble des informations souhaitées.

Afin de pallier les zones d’ombre ou d’incertitude, organiser des interviews en face à face avec le management de la société cible reste la meilleure solution. La multiplication de ces interviews permettra de poser les mêmes questions à plusieurs reprises et à plusieurs personnes et donc de juger de la cohérence des réponses fournies.

Ces interviews se déroulent généralement avec les responsables des différents départements, et en présence du président de la société*. Il est recommandé de conserver un support écrit des informations échangées au cours d’une interview et de faire valider son contenu par les personnes y ayant pris part. Cette trace écrite s’avèrera ensuite utile lors de la négociation de la garantie de passif.

Note: (*) La présence du président de la société quasi-systématiquement nécessaire en raison de la forte culture du chef d’entreprise évoquée préalablement. Les salariés sont ainsi peu susceptibles de dévoiler des informations matérielles à un acquéreur en son absence.

 

Quand la Due Diligence s’achève-t- elle ?

Une partie de la difficulté à réaliser des opérations d’acquisitions en Chine réside dans le fait qu’une Due Diligence ne s’y termine jamais véritablement.

Il est ainsi très courant que le vendeur continue à transmettre des informations à l’acheteur, et que ce dernier continue à demander des éclaircissements pendant des semaines, voire des mois suivant la clôture supposée de la phase de Due Diligence, alors même que les négociations contractuelles ont atteint un stade avancé.

Compte tenu de ce contexte, il est recommandé aux acquéreurs de faire une lecture à deux niveaux de la liste de Due Diligence, en distinguant, d’une part, les informations cruciales à la bonne appréciation de l’opportunité et du risque de procéder à l’acquisition (et devant donc être transmises en priorité lors de l’ouverture de la Due Diligence) et, d’autre part, les informations certes nécessaires mais moins importantes (et dont la transmission pourra prendre plus de temps). Dans cette perspective, il est assez commun de transmettre au vendeur une liste Due Diligence reprenant ces deux niveaux de priorité.

About Chris CHOU

Chris Chou is an international lawyer with a strong expertise in cross-border transactions across China, Hong Kong, and Southeast Asia.
She has assisted clients on IP, legal compliance, M&A operations in China in the field of retail, technology financial services, TMT (Technology, Media and Telecom), pharmaceutical industry, and manufacturing.